#11Novembre – Julia Bacha : prêtez attention à la non-violence. Merci @EmmanuelleEN

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J’ai déjà eu l’occasion de «parler» de Julia Bacha dans des billets précédents (voir ci-dessous), notamment de la vidéo que je (re)publie aujourd’hui en ce jour de #11Novembre «Un Monde Sans Guerres».

Et comme par hasard, @EmmanuelleEN retweete la vidéo alors je l’en remercie chaleureusement !

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@EmmanuelleEN J. Bacha: Pay attention to nonviolence TED Video http://t.co/XQ8dciTT (via @prettyzoely) –même pb avec façon dt médias parlent du Net/jeunes

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Julia Bacha : prêtez attention à la non-violence

Voici donc la vidéo en question – publiée chez mon ami TED au TED Global 2011 mais dont j’ai déjà parlé via TEDx Ramallah- ainsi que la transcription intégrale en français

https://ted.com/talks/view/id/1214

Je suis cinéaste. Ces 8 dernières années, j’ai consacré ma vie à faire des documentaires sur le travail des Israéliens et des Palestiniens qui essayent de mettre un terme au conflit avec des moyens pacifiques. Quand je voyage avec mon travail à travers l’Europe et les Etats-Unis, une question surgit toujours : Où est le Gandhi palestinien? Pourquoi les palestiniens n’ont-ils pas recours à la résistance non violente?
Mon problème quand j’entends cette question est que souvent je rentre tout juste du Moyen Orient où j’ai passé mon temps à filmer des dizaines de Palestiniens qui ont recours à la non-violence pour défendre leurs terres et leurs ressources en eau contre les soldats et les colons israéliens. Ces leaders essaient de forger un mouvement non violent national massif pour mettre fin à l’occupation et construire la paix dans la région. Pourtant, la plupart d’entre vous n’a probablement jamais entendu parler d’eux. Cette opposition entre ce qui se passe sur le terrain et la perception qu’on en a depuis l’étranger est une des raisons clés qui fait que nous n’avons pas encore un mouvement de résistance pacifique palestinien qui ait réussi.
Je suis donc ici aujourd’hui pour parler du pouvoir de l’attention, le pouvoir de votre attention, et l’émergence et le développement des mouvements non violents en Cisjordanie, à Gaza et ailleurs, mais aujourd’hui, mon étude de cas sera la Palestine. Je crois que ce qui manque le plus pour que la non-violence fleurisse ce n’est pas que les palestiniens commencent à adopter la non-violence, mais que nous commencions à prêter attention à ceux qui le font déjà. Permettez-moi d’illustrer ce point en vous amenant dans ce village qui s’appelle Budrus.
Il y a environ sept ans, ils allaient disparaître, parce qu’Israël annonçait qu’ils allaient construire une barrière de séparation, dont une partie serait construite sur le village; Ils perdraient 40% de leurs terres et seraient encerclés, ils perdraient donc le libre accès au reste de la rive ouest. Grâce à des leaders locaux inspirés, ils ont lancé une campagne de résistance pacifique pour empêcher ça.
Permettez-moi de vous montrer quelques petites vidéos, pour que vous ayez un aperçu de ce à quoi ça ressemblait vraiment sur le terrain.
(Musique)
Une palestinienne : On nous dit que le mur va séparer la Palestine d’Israël. Ici à Budrus, nous nous rendons compte que le mur va voler notre terre.
Un Israélien : la barrière a en fait créé une solution à la terreur.
Un homme : aujourd’hui, vous êtes invités à une marche pacifique. Des dizaines de vos frères et sœurs israéliens se joindront à vous.
Un activiste israélien : Rien ne fait plus peur à l’armée que l’opposition non violente.
Une femme : Nous avons vu les hommes essayer de pousser les soldats, mais aucun d’eux ne pourrait le faire. Mais je pense que les filles le pourraient.
Une membre du parti du Fatah : nous devons vider nos esprits de la pensée traditionnelle.
Membre du parti du Hamas : Nous étions en totale harmonie, et nous voulions l’étendre à toute la Palestine.
Ils scandent : Une nation unie. Fatah, Hamas et le Front Populaire! Le présentateur du JT : les affrontements au sujet de la barrière se poursuivent.
Reporter : La police des frontières israélienne a été envoyée pour disperser la foule. Ils étaient autorisés à recourir à la force nécessaire.
(Tirs)
Un homme : Ce sont de vraies balles. C’est comme à Fallujah. Ça tire partout.
Activiste israélien : j’étais sûr que nous allions mourir. Mais il y avait d’autres gens autour de moi qui ne tremblaient même pas.
Un soldat israélien : Une protestation non violente ne contribuera pas à arrêter le [confus].
Un manifestant : C’est une marche pacifique. Il est inutile d’employer la violence.
Ils scandent : On peut le faire. On peut le faire. On peut le faire!
Julia Bacha : quand nous avons entendu pour la première fois l’histoire de Budrus, j’étais surprise que les média internationaux n’aient pas couvert les évènement extraordinaires qui se sont passés il y a sept ans, en 2003. Ce qui était encore plus surprenant c’était le fait que Budrus a été un succès. Les résidents, après 10 mois de résistance pacifique, ont convaincu le gouvernement israélien de faire passer la barrière en dehors de leurs terres vers la ligne verte, qui est la frontière internationalement reconnue entre Israël et les territoires palestiniens. La résistance à Budrus s’est depuis étendue aux villages de la Cisjordanie et aux quartiers palestiniens de Jérusalem. Pourtant les médias n’ont quasiment pas parlé de ces histoires. Ce silence est porteur de lourdes conséquences quant à la possibilité que la non-violence se développe, ou même survive en Palestine.
La résistance violente et la résistance non violente ont quelque chose de très important en commun ;elles sont toutes deux une forme de théâtre à la recherche d’un public pour leur cause. Si des acteurs violents sont les seuls qui font constamment la couverture des journaux et attirent l’attention internationale sur le problème palestinien, il devient très difficile pour les leaders non violents de faire valoir auprès de leurs communautés que la désobéissance civile est une option viable pour traiter leur problème.
Le pouvoir de l’attention ne surprendra sans doute pas les parents ici présents. Le plus sûr moyen pour que votre enfant fasse des colères de plus en plus sonores est de lui prêter attention la première fois qu’il pique une crise. La colère deviendra ce que les psychologues pour enfants appellent un comportement fonctionnel, puisque l’enfant a appris qu’il peut en tirer l’attention parentale. Les parents peuvent encourager ou pas un comportement simplement en donnant ou en retirant leur attention à leur enfant. Mais c’est aussi vrai des adultes. En fait, le comportement de communautés ou de pays entiers peut être influencé, selon où la communauté internationale choisit de concentrer son attention.
Je crois que ce qui est crucial pour mettre un terme au conflit du Moyen Orient et apporter la paix c’est que nous transformions la non-violence en un comportement fonctionnel en donnant beaucoup plus d’attention aux leaders non violents sur le terrain aujourd’hui. En amenant mon film dans les villages de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem, j’ai vu l’impact que même un documentaire peut avoir pour influer sur la transformation.
Dans un village appelé Wallajeh, qui se trouve très près de Jérusalem, la communauté était confrontée à une situation très similaire à celle de Budrus. Ils allaient être encerclés, perdre beaucoup de leurs terres et être privé du libre accès, à la Cisjordanie comme à Jérusalem. Ils avaient eu recours à la non-violence pendant environ deux ans, mais avaient perdu leurs illusions car personne ne leur prêtait attention. Alors nous avons organisé une projection. Une semaine plus tard, ils ont fait la manifestation la plus massive et la plus disciplinée à ce jour. Les organisateurs disent que les villageois, en voyant l’histoire de Budrus dans le documentaire, ont senti qu’il y avait vraiment des gens qui suivaient ce qu’ils faisaient, que les gens étaient intéressés. Alors ils ont continué.
Du côté israélien, il y a un nouveau mouvement pacifique appelé Solidariot, ce qui signifie solidarité en hébreu. Les leaders de ce mouvement utilisent Budrus comme l’un de leurs outils essentiels de recrutement. Ils rapportent que les Israéliens qui n’avaient jamais été militants avant, en voyant le film, comprennent le pouvoir de la non-violence et commencent à se joindre à leurs activités. L’exemple de Wallajeh et le mouvement Solidariot montrent que même un film indépendant à petit budget peut jouer un rôle pour transformer la non-violence en un comportement fonctionnel. Imaginez maintenant le pouvoir que les grands médias pourraient avoir s’ils commençaient à couvrir les manifestations non violentes hebdomadaires qui se passent dans les villages comme Bil’in, Ni’lin, Wallajeh, dans les quartiers de Jérusalem comme Sheikh Jarrah and Silwan : les leaders non violents deviendraient plus visibles, plus valorisés et plus efficaces dans leur démarche.
Je crois que le plus important est de comprendre que si nous ne prêtons pas attention à ces efforts, ils sont invisibles, et c’est comme s’ils n’avaient jamais eu lieu. Mais j’ai constaté par moi-même que si nous le faisons, ils se multiplieront. S’ils se multiplient, leur influence s’étendra dans l’ensemble du conflit Israélo-palestinien. Et leur influence est de celles qui peuvent finir par débloquer la situation. Ces leaders ont prouvé que la non-violence fonctionne dans des endroits comme Budrus. Prêtons leur attention pour qu’ils puissent prouver que ça fonctionne partout.
Merci.
(Applaudissements)

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