Défendre la diversité culturelle «Mon Hanoucca pas catholique!» by Mehra Rimer* – SPCG

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*Mehra Rimer est traductrice pour le Service de presse de Common Ground.
Article écrit pour le Service de presse Common Ground, 10 décembre 2010, www.commongroundnews.org
Reproduction autorisée.

Genève – Cette année, je me retrouve à organiser un Hanoucca pas catholique. Qu’est-ce qu’un Hanoucca pas catholique ?

Vous allez vite le comprendre une fois que je vous aurai raconté mon histoire.

Je suis suisse, d’origine iranienne, musulmane chiite, mais élevée chez les soeurs italiennes, catholiques, dans un pensionnat en Suisse. Cela va sans dire, je maîtrise mieux le «Nôtre Père» que les prières musulmanes.

Les soeurs ne m’ont toutefois jamais influencée pour me convertir; elles m’ont même au contraire toujours encouragée à persévérer dans la connaissance et la pratique de ma religion. Chaque année, je devais faire un exposé sur l’Islam pour mes camarades de classe. On m’avait même proposé des cours particuliers pour parfaire mon éducation musulmane.

Dans ma petite enfance en Iran, on m’avait appris que l’Islam reconnaissait Moise et Jésus et que Juifs, Chrétiens et Musulmans avaient tous le même Dieu. Donc, pour moi, aller à l’église avec mes copines en Suisse n’avait rien de choquant.

Par ailleurs, je n’étais pas la seule non chrétienne parmi les élèves. Notre école était multiculturelle, avec des pensionnaires venues des quatre coins de la planète – d’Asie, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Amérique latine. Le fait de côtoyer du matin au soir des camarades de nationalité, de race, de culture et de religions différentes, m’a beaucoup appris : notamment, la cohabitation pacifique.

Le quotidien dans un pensionnat de filles n’est pas toujours facile. Mais le fait d’être différentes posait moins de problèmes que le fait de n’être que des filles !

Je dois reconnaître que les sœurs mettaient un accent positif sur cette différence et nous encourageaient à nous intéresser à la culture des unes et des autres et, forcément, à construire des passerelles. Je me souviens qu’une amie haïtienne et moi avions créé un langage secret, mélange de persan et de créole, pour pouvoir communiquer sans être comprises des autres, en particulier des soeurs; cela nous avait beaucoup amusées et rapprochées. Aujourd’hui, Haïti a pour moi un vrai visage, celui de cette amie.

Je me rends compte à présent à quel point l’expérience de ce pensionnat a été exceptionnelle et m’aide à évoluer dans le monde d’aujourd’hui – qui plus que jamais a besoin de passerelles.

C’est peut-être grâce à ce vécu aussi, que désormais je fais partie d’une famille bariolée, qui me rappelle le melting-pot du pensionnat où j’ai grandi. Je suis mariée à un Suisse d’origine canadienne et de religion juive. J’ai trois beaux-frères dont deux sont mariés : l’un à une Grecque, orthodoxe et l’autre à une Pakistanaise, zoroastrienne.

Mon mari m’accepte telle que je suis et m’a épousée en dépit du fait que je ne veux pas me convertir. Pour mon époux, l’important c’est que je l’aide à transmettre à nos enfants sa tradition juive – autant que mon héritage persan. Mes belles-sœurs et mes beaux-frères partagent cette même philosophie.

L’architecte de cette tolérance est mon beau-père, âgé de 77 ans et veuf, qui a su ouvrir sa famille au monde. Ayant lui-même grandi dans une communauté plutôt fermée, il a tenu à ce que ses fils vivent exactement le contraire.

Comment se passent les fêtes chez nous?

Nous fêtons un peu tout dans une ambiance colorée. Avec beaucoup d’amour et de tolérance. La Pâque orthodoxe et le fameux Kokoretsi, un met à base d’agneau qu’on prépare à cette occasion, a particulièrement la cote auprès de mon mari. Ma belle sœur pakistanaise et moi-même avons en commun Norouz, le Nouvel an iranien d’origine zoroastrienne, qui célèbre le Printemps. Et enfin et surtout il y a les fêtes juives – qui se résument à quelques heures de synagogues mais surtout à des repas de famille très copieux, très bruyants et très animés par la présence d’une dizaine de frères, soeurs et cousins et cousines.

Ce qui nous amène au Hanoucca pas catholique.

Le hasard fait que pour différentes raisons, quasiment aucun membre adulte – et surtout juif – de la famille ne se trouvera à Genève pour la première bougie de cette fête merveilleuse qui débute le 1er décembre prochain et qui commémore le miracle de la fiole d’huile et la victoire des Maccabées.

Ma belle sœur grecque et moi, sommes donc les seules à Genève et voici comment une orthodoxe et une musulmane se retrouvent à cuisiner de la compote de pomme, à acheter des boules de Berlin et à se servir de mini röstis (en guise des fameuses latkes) et à célébrer Hanoucca pour les enfants !

Heureusement la plupart d’entre eux connaissent les chants et les prières mais nous espérons tout de même qu’un des frères ratera l’avion – et viendra à notre rescousse pour que notre Hanoucca soit un peu plus catholique !

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