«Le temple et la mosquée, exemple silencieux de tolérance religieuse en Indonésie » par Tony Kusmiran *
* Journaliste au mensuel Kalimantan Review, Tony Kusmiran mène actuellement à Sanggau un programme de communication fondé sur les communautés. Article écrit pour le Service de Presse de Common Ground (CGNews).
Source: Service de Presse de Common Ground (CGNews), 22 octobre 2010,www.commongroundnews.org
Reproduction autorisée.
Pontianak, Indonésie – Ces derniers mois, des accès de violence sont venus troubler la tolérance religieuse en Indonésie. Des groupes d’extrémistes musulmans ont commis des attentats contre des sectes minoritaires et la communauté chrétienne — avec la fermeture par la force d’églises et le saccage d’édifices religieux.
Réagissant à ces événements, le président Susilo Bambang Yudhoyono a souligné la nécessité de la tolérance religieuse, invitant ses compatriotes à adopter «la vraie philosophie du vivre ensemble» ; pendant ce temps, on le presse de toutes parts à poursuivre vigoureusement les extrémistes qui s’attaquent à des minorités religieuses ou ethniques.
Par tradition, l’Indonésie est une nation qui a connu un calme religieux relatif, la paix et la tolérance. C’étaient là les objectifs des fondateurs du pays. Pour l’essentiel, ils y avaient réussi : malgré sa diversité ethnique et religieuse, le pays n’avait guère connu de violence religieuse ou politique.
Le fait est que les expériences de coexistence pacifique, comme par exemple les relations entre les chrétiens dayak, les musulmans et la minorité chinoise de Sanggau, sont des exemples à suivre pour les autres régions du pays.
Sanggau est une ville reculée de l’est de la province du Kalimantan occidental. C’est là que fut fondé le parti Dayak, à l’époque de Soekarno, le premier président de l’Indonésie. Ce parti avait réussi, autrefois, à unifier les Dayak, la principale population de l’île de Kalimantan, connue aussi sous le nom de Bornéo.
Les chrétiens Dayak, tant catholiques que protestants, forment la majorité de la population de Sanggau. La minorité musulmane vit principalement dans les zones urbaines. Sanggau est encore plus diverse du point de vue de sa composition ethnique. La majorité est constituée par l’ethnie Dayak, tandis que les Malais et d’autres ethnies constituent des minorités importantes. Il y a encore plusieurs autres ethnies minoritaires : Chinois, Minang, Bugi, Javanais, Madourais, Soudanais. Dans toute cette diversité, les populations coexistent pacifiquement et vivent harmonieusement.
À Sanggau, les Chinois — qui s’identifient eux-mêmes comme catholiques, protestants ou confucéens — dominent l’économie. Beaucoup d’entre eux possèdent des boutiques dans le marché de la ville, et construisent dans ce marché le temple confucéen de Tri Dharma, géré par la Fondation Halcyon de Sanggau. C’est un bâtiment majestueux, sur les murs duquel deux gardes sculptés en tenue de combat assurent symboliquement la protection du temple.
Chose remarquable dans les environs : juste à côté du temple, il y a une mosquée, et pourtant les fidèles ne s’affrontent pas.
Selon Ahoh, négociant chinois de 60 ans qui travaille dans le marché, le temple existait bien avant la construction de la mosquée dans les années 70. “On ne s’est jamais dérangé les uns les autres, même si les gens peuvent trouver bizarre la présence d’une mosquée près d’un temple chinois“.
Il n’y a jamais eu de violence entre les deux populations. Le fait est que, même pendant le Ramadan, de nombreux restaurants et cafés chinois à côté de la mosquée restent ouverts, sans susciter cette violence militante qu’on peut voir dans d’autres régions de l’Indonésie à l’encontre des établissements qui ne ferment pas pendant le jeûne. Il y a même, à pas plus de 20 mètres de la mosquée, un restaurant où l’on peut manger du porc.
Ce qu’on voit au marché de cette petite ville éloignée de Sanggau est un bon exemple de la tolérance religieuse qui est la marque de l’esprit qui a présidé à la fondation de l’Indonésie.
Bien que la plupart des habitants de Sanggau n’aient probablement pas la moindre idée du discours par lequel, en Egypte, le président Barack Obama a cherché à réparer la cassure avec le monde musulman, leur pratique, dans le petit milieu de Sanggau, est bien dans l’esprit de ce qu’il déclarait alors : «Aussi longtemps que nos rapports se définiront par les différences qui nous séparent, nous ne ferons que conforter ceux qui sèment la haine et non la paix, ceux qui promeuvent le conflit plutôt que la coopération qui peut faire avancer toutes nos populations sur la voix de la justice et de la prospérité».
Les gens de Sanggau se rendent bien compte qu’une coexistence pacifique vaut beaucoup mieux qu’un conflit. Fasse le Ciel que le bonheur de cette petite ville ne soit pas détruit par ceux qui ne comprennent pas la valeur de la paix.
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Opinion des jeunes : Une jeune ambassadrice de la communauté arabe américaine parle de «terrain d’entente» par Natasha Nassar *
01 octobre 2010
* Natasha Nassar est lycéenne à Groton dans l’Etat du Massachusetts. Article écrit pour le Service de Presse de Common Ground (CGNews).
Source : Service de Presse de Common Ground (CGNews), 1er octobre, http://www.commongroundnews.org
Reproduction autorisée.
Groton (Massachusetts) – Je suis une Arabe américaine de 16 ans. Mes parents sont de nationalité libanaise pour l’un et palestinienne pour l’autre. Tous deux habitent au Moyen-Orient, quant à moi, je suis pensionnaire dans un internat aux Etats-Unis. Bien que je n’aie jamais eu de doute sur ma propre identité, l’ironie veut que l’on me considère comme Américaine au Moyen-Orient et Arabe aux Etats-Unis.
A vrai dire, je crois que je ne suis ni l’un ni l’autre, même si au fond, je sens que j’appartiens aux deux cultures. Grâce à ce mélange de cultures et de traditions arabes et américaines j’ai pu devenir l’ambassadrice de ces deux mondes.
Puisant de l’énergie dans ce rôle, cet été, j’ai passé une semaine en Jordanie, à travailler pour Habitat pour l’Humanité, organisation qui se consacre à la construction d’habitations simples, convenables et abordables, en partenariat avec les personnes dans le besoin. J’ai participé à la construction d’un logement pour une famille jordanienne composée de quatre membres, habitant jusqu’alors dans une une seule pièce qui, à ma grande indignation, était plus petite que ma chambre au pensionnat. Cette pièce leur servait à la fois de salon, de salle à manger, de cuisine et de salle de bain.
Tout en travaillant à la construction des murs et à la pose des fenêtres, dans la chaleur torride du nord de la Jordanie, j’ai appris un certain nombre de choses sur moi-même, sur les autres et sur la simplicité de trouver des points communs entre les gens de différentes cultures.
A mes moments de pause, je profitais de discuter avec les membres de la famille jordanienne, ou avec leurs amis et leurs enfants, leur faisant part des raisons qui m’avaient poussée à travailler pour Habitat pour l’Humanité. Nos conversations ont rapidement porté sur les points communs de nos parcours, de nos cultures, des pays où nous vivons. Une véritable bouffée d’air frais : pour une fois on parlait de ce que les cultures arabe et américaine avaient de commun plutôt que de ce qui les différenciait.
Tous ceux que j’ai rencontrés étaient très généreux et hospitaliers. Ils m’ont invitée chez eux et m’ont fait à manger. Ils discutaient de choses ordinaires, de choses dont toutes les familles au monde parlent : les enfants, les écoles, l’inflation, le chômage, la paix et surtout l’espoir pour l’avenir.
J’ai fait la connaissance de Hoda, une jeune fille de 19 ans, venue rendre visite à sa famille pour l’été. Tout comme moi-même et un grand nombre de nos camarades, Hoda a quitté sa famille qui vit dans le nord de la Jordanie pour pouvoir accéder à de meilleures études. Nous avons parlé ensemble de notre expérience de vie, éloignées que nous sommes de nos familles, et des responsabilités que cela implique.
Hoda est la seule de sa famille qui vit ailleurs que dans sa ville natale. Etant donné ses études et la charge de travail liée à celles-ci, elle ne peut pas se permettre de revenir souvent au pays. Pour parer à son manque d’entourage familial et à l’éloignement de ses proches, elle s’est constitué un réseau d’amis et de mentors qui lui sert de groupe de soutien. Il en va de même pour moi. Je compte énormément sur mes professeurs et mes amis d’école pour me soutenir au quotidien. A mes yeux, Hoda est mon « alter-ego » jordanienne.
Tout comme je suis fière de mon identité, les Jordaniens sont fiers de la leur. La photo du roi Abdallah trônait un peu partout dans le , et le visage des gens s’éclairait lorsqu’ils parlaient de la reine Rania. Ceux que j’ai rencontrés m’ont posé beaucoup de questions à propos de la famille présidentielle américaine, qui ressemble beaucoup à la jeune famille royale jordanienne.
L’enseignement le plus important que j’ai tiré de cette expérience est que pour trouver un terrain d’entente entre nos différentes cultures, on n’a pas besoin d’être bardé de diplômes universitaires ou d’autres qualifications. Tout ce qui compte, c’est d’avoir un cœur prêt à s’ouvrir aux autres. Le cœur peut s’ouvrir lorsqu’on partage des plaisirs simples de la vie : la famille, un bon repas, la musique, l’art et les enfants.
Je suis rentrée aux Etats-Unis plus motivée à encourager les autres à s’engager pour combler les fossés existant avec d’autres cultures. Je me suis inscrite au club de la diversité de mon école. L’été prochain, j’ai l’intention d’aller à Naplouse, en Palestine, pour voir si je peux approfondir mes liens avec les gens de là-bas. J’ai évidemment un parti pris pour le Moyen-Orient et j’aimerais qu’il y ait plus d’interaction entre les Arabes et les Américains, mais de manière générale, j’encourage tous les jeunes à passer plus de temps à rendre hommage à leur communauté, ici ou ailleurs. Un esprit jeune peut énormément contribuer à changer les choses, surtout s’il fait attention aux choses simples de la vie.
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